#115 - Du 10 f�vrier au 01 mars 2009

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Histoire saisissante de la litt�rature fran�aise d�apr�s-guerre

 


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© , 2001

Avec l'aimable autorisation et soutien de l'auteur, Zone vous offre une nouvelle in�dite d'Eric Pessan.



Histoire saisissante de la litt�rature fran�aise d�apr�s-guerre


De nombreux critiques et chercheurs s�accordent pour faire d�buter l�histoire de la litt�rature contemporaine le jour o� Alain Robbe-Grillet lance une fatwa contre Balzac. Jeune, ambitieux et sans scrupule, Robbe-Grillet avaient obtenu une fortune en hypoth�quant un ch�teau normand offert par son �diteur suite � des tractations men�es par Vercors avec d�anciens r�seaux de la r�sistance. A cette �poque les mass-m�dia naissent timidement et nul ne semble savoir que le Balzac en question avait succomb� d�un triple exc�s de livres, d�alcool et de comtesses polonaises soixante ans auparavant. Certains pensent que les deux hommes sont li�s par des dettes, d�autres penchent plut�t vers des affaires de moeurs. Les universitaires, peu enclins � la plaisanterie, expliquent qu�� travers Balzac, c�est l�id�e du personnage-narrateur que Robbe-Grillet vise. L�opinion publique s�en fiche, aucun journaliste autoproclam� d�fenseur de la libert�-de-cr�ation-litt�raire ne d�nonce la fatwa. Peu importe, la r�compense offerte est consid�rable, Claude Simon, un ancien militaire, reprend les armes et se lance dans la traque en compagnie d�une jeune femme ambitieuse, Nathalie Sarraute, les rapports troubles liant les deux chasseurs de prime font jaser jusqu�au coeur de l�acad�mie d�j� bien �branl�e par les frasques de l�oulipo. Justement, la fatwa attire des mercenaires �trangers : l�Irlandais Beckett vient semer son trouble. Ayant tr�s mal int�gr� le fran�ais il �gare Simon et Sarraute par d�inintelligibles indications. Marguerite Duras, elle aussi attir�e par la perspective du profit, rentre de Chine. Son retour provoquera l�effondrement de la fili�re asiatique. Le groupe de l�oulipo entre en rage folle, Perec t�tanise et ne peut plus prononcer la lettre �e�. Attrist�, puis furieux, Raymond Queneau d�clare la guerre des bandes et veut organiser le sac des �ditions de Minuit. Gallimard s�organise, la Nouvelle Revue Fran�aise (alors titr�e Nouvelle Nouvelle Revue Fran�aise) r�appara�t afin de financer la cause et fonder des fili�res africaines. Andr� Gide avait consign� les r�seaux dans son journal, Albert Camus est recrut� en Alg�rie avec pour mission de faciliter le transit. Cela lui vaudra l�inimiti� de Jean-Paul Sartre. Ce dernier, lass� des frasques parisiennes et am�ricaines de Simone de Beauvoir, avait cherch� � quitter l�Europe et voyait l� une opportunit� de s�enrichir rapidement. Sartre finira par se lier � un jeune voyou, Jean Genet, lui promettant un tome entier de Pl�iade contre le sabotage de la voiture de Camus. L�apprenant, Boris Vian cesse d��crire pour se mettre au jazz. Pendant ce temps la traque continue et Georges Bataille monte un vaste entrelacs clandestin de diffusion pornographique que Jacques Pr�vert tentera de d�tourner � des fins id�ologiques, soutenu par Louis Aragon, directement pilot� par Staline. Malheureusement ils ne savent pas que leur propre camp est infiltr� par Armand Gatti qui transmet un double de leurs �crits � Fidel Castro. A cet instant Ren� Char surprit en pr�sence d�Ernst J�nger et de Martin Heidegger est d�nonc� aux anciens de la r�sistance par un Louis Ferdinand C�line rendu cynique depuis sa disgr�ce. Le proc�s Char aura lieu par journaux interpos�s. Paul Eluard tente de d�fendre son ami, mais il est oblig� de se r�tracter. Andr� Breton le fait chanter, Salvador Dali lui a vendu des enregistrements de certaines confidences de Gala sur les exigences sexuelles du po�te et il menace de les r�v�ler � Georges Bernanos et Fran�ois Mauriac. Eluard fr�mit en songeant aux exploitations possibles de telles r�v�lations par la branche catholique dure de la litt�rature. L�intervention de Breton �tait motiv�e par une double contrari�t� : l�effondrement du march� de l�opium n�cessaire � sa pratique du dessin automatique, et l�id�e parano�aque, mais fond�e, qu�il aurait pu �tre � la place de Char briguant les avantages de Camus suite � l�entr�e d�Henri Troyat � l�acad�mie. Pourtant les deux hommes ne se connaissent pas.
Vex�e du retour de Marguerite Duras, Marguerite Yourcenar part vivre aux �tats-Unis. Dans une lettre rest�e secr�te elle �voquera ce choc terrible d�apprendre qu�une autre �crivain, membre d�un cartel influent, portait le m�me pr�nom qu�elle. Henri Michaux, lui, tente de quitter le milieu, il d�croche de l�opium (fourni par Breton) gr�ce � la colle � rustine quotidiennement fournie � la barbe de la douane par Jean Paulhan qui avait engag� Jacques Reda � la NRF sous r�serve que ce dernier ne se rende au si�ge Gallimard qu�� bicyclette. Michaux devra attendre les ann�es soixante-dix pour passer � l�ecstasy que lui procurera Jean d�Ormesson. D�Ormesson inventeur d�une nouvelle fili�re : il va se servir sur les plateaux t�l�, n�gociant sa participation aux �missions les plus triviales contre un saladier d�acides.
Pendant ce temps Butor et Sartre (aid�s par Robert Pinget et Claude Ollier) sulfatent les plantations secr�tes de cannabis cultiv�es par Jean Giono dans le massif des Ardennes. Ce qui fera beaucoup rire Eug�ne Ionesco lorsque ce dernier signe un pacte de non-agression avec les cartels Minuit et Gallimard. Il publie chez Gallimard tout en restant fid�le � son vieil ami de Minuit Samuel Beckett, les contrats pleuvent sur sa t�te, il doit constamment d�jouer attentats et tentatives d�empoisonnement. Julien Gracq jure qu�il ne sait rien, qu�il n�a rien vu. Son implication dans le gang Jos� Corti ne fait pourtant aucun doute. Et Corti a personnellement serr� la main � Andr� Breton vingt ann�es auparavant. Malin, Julien Gracq refuse le Goncourt et fait comme si de rien n��tait. Francis Ponge, �tenu� par un obscur chef de bande tente de lapider � coups de galets Edmond Jab�s. Celui-ci �vite et c�est, semble-t-il, par hasard que la pierre heurte le jeune Philippe Sollers. Marqu� � jamais au cuir chevelu le jeune homme monte son organisation qui se lance dans la lutte arm�e au cri de guerre de �tel quel !�. Le flou de ses motivations ne l�emp�che pas de gagner de nombreuses batailles. Sa haine fera de lui un f�roce chef de guerre. De redoutables faussaires viennent encore complexifier le tableau. Nul ne sait pour qui travaillent des gens comme Maurice Blanchot ou Roland Barthes, mais ils sont partout et donnent leur avis m�me lorsque personne ne leur demande...
C�est � cet instant pr�cis (et sans lien direct avec ce qui pr�c�de) qu�Alain Robbe-Grillet apprend que Balzac est mort depuis des dizaines d�ann�es. La nouvelle le brise. Il tente quelques trafics m�diocres puis, amer, part s�installer en Gr�ce o� il noie son d�sespoir dans l�ouzo et le retsina. Alors chez Minuit, tr�s vite, Claude Simon renverse Butor qui l�che Fran�ois Bon. C�est Jean Rouaud qui b�n�ficie du flottement pour rafler la mise. L�histoire se r�p�te puisque dix ans auparavant, chez Gallimard, Michel Tournier avait contest� l�autorit� de Pascal Quignard et JMG Le Clezio en avait profit� pour faire main basse sur le magot.
Ensuite d�autres arrivent et se battent. C�est l��clatement. Christian Bobin r�cup�re l�argent pour se le faire voler par Philippe Delerm alors qu�en parall�le Michel Houellebecq avait tent� la m�me op�ration avec Virginie Despentes. Mais en pire. Puis Christine Angot les cambriole. Tous. Elle est couverte par la fraction r�volutionnaire de l�autofiction. Pierre Guyotat, lui, se dit qu�il devrait ouvrir les yeux lorsqu�il tape � la machine. Les groupuscules se multiplient. Fran�ois Nourissier fait main basse sur le juteux trafic du Goncourt. Paul Otchakovsky-Laurens trahit Hachette et monte sa propre meute, Jean-Marc Roberts vole les fichiers de maquette de Fayard pour les revendre � prix d�or � Stock. Albin Michel obtient des prix prestigieux lors de n�gociations secr�tes. Grasset, Le Seuil et Flammarion s�entred�chirent. Heureusement Am�lie Nothomb via le Japon (et � la barbe de Christian Jacq qui soutenait la piste �gyptienne) continue de faire le coup de poing. On peut simplifier la conclusion en notant que le Nouveau Roman n��tait que le pr�lude � la faillite des syst�mes qui, en int�grant l�Absurde, l�Existentialisme et le Structuralisme, venait nier la tradition romantique pour finalement donner naissance � la postmodernit� et � l�autofiction. Mais, au final, Jean-Jacques Schuhl rafle le dernier prix Goncourt du mill�naire sans avoir d� pr�ter all�geance aux m�thodes de la d�j� vieille garde. Il est aid� par une chanteuse sous contrat Vivendi-Universal. Les temps changent et le grand banditisme devient mondial ! Gallimard exulte � la perspective d�une fusion. Les �ditions de Minuit ne sont plus ce qu�elles �taient puisque l�ann�e pr�c�dente Philippe Toussaint avait tent� plusieurs fois d�assassiner Jean Echenoz pour passer � la t�l�vision.


Eric Pessan



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