#115 - Du 10 f�vrier au 01 mars 2009

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Minard, la singularit�

Romanci�re totale, de l�angstr�m � l��on, C�line Minard n�a pas seulement du style, mais du panache. Du premier au Dernier monde, et parmi toutes les dimensions interm�diaires�

� Je ne suis nulle part �, dit C�line Minard, avec un rien de fiert� dans la voix. Fiert� d�avoir pondu l�un des romans les plus ambitieux de ces derni�res ann�es, � l�histoire de l�humanit� depuis le quaternaire jusqu�� aujourd�hui �, selon sa propre d�finition. Fiert� aussi d�avoir allong� 99 % de la critique fran�aise sous les 514 pages de son Dernier Homme : trois pages dans Lib�ration, deux dans les Inrockuptibles� Le buzz bourdonne et elle, pas b�gueule, tourne et retourne les compliments sur son style avec un bagout franco de port, en d�ployant un grand rire. � La presse prend beaucoup d�espace, c�est � double tranchant �, nuance-t-elle. Ex-libraire, elle n�est pas dupe de l�emballement m�diatique mais ne le boude pas pour autant. Un peu de reconnaissance est toujours bon � prendre, surtout que sa litt�rature laisse peu de place � des activit�s mieux r�mun�r�es, comme elle l�avoue tout de go. Celle que l�on nous pr�sentait comme � wild � et que les photos montrait comme un moine-soldat de la litt�rature r�v�le en fait une passionn�e souriante, � la fois herm�tique et d�routante. D�j� trois ouvrages au compteur et autant d�incompr�hensions : "oui", La manadologie, son pr�c�dent roman, �tait de la science-fiction, et "non", Le Dernier homme n�en est pas s��chine-t-elle � expliquer aux journalistes inattentifs.

Mise au point sur l�infini
� Nulle part �, effectivement ou plut�t entre deux� A leur d�charge, le pitch simplissime de son dernier opus � un cosmonaute revenu sur Terre se rend compte qu�il en est le dernier homme � cache un propos touffu et mystique, glissant comme une savonnette. Survival book ? Pas vraiment, aucun danger ne guette r�ellement Jaume Roiq Stevens, le h�ros de Minard. Le d�but, tr�s "techno-thriller" � l�am�ricaine, n�est �galement qu�une fausse piste. Il ne faut garder de cette intuition que l�extr�me documentation qu�a utilis� C�line Minard : trois ans de recherches, et que du livresque. Le dernier monde - et non Le dernier homme, titre pr�empt� par Margaret Atwood et Mary Shelley - inaugure plut�t le genre du roman de survivance intellectuelle. Comment subsister seul et sans sudokus? Jaume Roiq Stevens en a une petite id�e : il faut s�inventer une mission et des compagnons. La mission est simple : nettoyer � la station Terre �. Et en premier lieu, lui retirer ses barrages : en une vision tr�s � ga�enne �, il va d�barrasser la circulation terrestre de ses caillots. Il descendra entre autres � coup de missiles le plus grand d�entre tous : celui des Trois gorges, en Chine, en une orgie incroyable. De l'�ber-sexe, jamais lu ailleurs. Pour le grand m�nage qu�entreprend le dernier homme, tous les moyens sont bons, et surtout les plus inou�s.
Pr�cise comme un microtome, C�line Minard va jusqu�� d�cortiquer des reproductions l�Apache AH64-D, h�licopt�re de combat de l�arm�e am�ricaine qu�utilise son h�ros, sorte de joujou de mort parfaite, bard� de lance-roquettes comme dans un r�ve de sale gosse. Le diable est dans les d�tails, le talent aussi. � Si j�ai besoin d�un h�lico dans mon livre, �a ne peut pas �tre pas �tre n�importe lequel. Et une fois que je l�ai trouv� je dois en plus savoir comment on le pilote �. Chaque page est une fractale HD, forte de dizaines de millions de pixels, pr�cise quelque soit l��chelle � laquelle on la regarde, ce qui lui permet des effets de zooms et d�zooms vertigineux, du submol�culaire au cosmogonique, en passant par le plus important : l�humain, corps et esprit. � J�ai une excellente vue, j�adore la pr�cision �, dit-elle. Et de citer Le p�lerinage � Cyth�re de Watteau, � la fois ac�r� et fantomatique, en id�al pictural. A la lecture du Dernier monde, on ne peut pas s�emp�cher de penser non plus � un m�lange de J�r�me Bosch, pour la finesse du trait, et de � O� est Charlie ? �, pour la profusion.

Un pav� dans l�univers
Le discours de Minard a les m�mes fulgurances �tranges que ses romans, � la fois totalement libre et ultra-r�f�renc�. Avec sa d�gaine de roadie, elle peut dire � putain � et � diverticule � dans la m�me phrase et se permet dans La manadologie (Editions MF) de d�tourner Leibniz, quitte � tomber dans la beaut� amphigourique. Mais �a elle s�en branle. � Ce n�est pas grave que les gens ne comprennent pas tout, on peut aussi se laisser porter par la po�tique du mot �, dit-elle tout naturellement en roulant une clope. Puisqu�on insiste � cat�goriser, il suffit de jeter un coup d��il au quatri�me de couverture de La manadologie, tout y est, en un mot, un seul : le Dichtung. D�finition : � mot allemand(�) signifiant tout � la fois litt�rature, po�sie, fiction, invention, affabulation. Monde fictif, �laboration d�un espace irr�el aussi v�ridique que la r�alit� concr�te, univers imaginaire, construit et clos sur lui-m�me, qui n�est pas l�oppos� du monde sensible mais son condens� �. L�univers en condens� ? On n�est pas loin du trou noir, cette singularit� qui aspire � lui toute mati�re autour, avant de la recracher en un mythique � trou blanc �, source de toute chose. La transition est facile jusqu�� son dernier opus, presqu�insoutenable d�exhaustivit�. � Je me suis fait peur, avoue-t-elle d�un air gourmand, je voulais que Le dernier monde brasse toute l�histoire humaine �. Ramen�e sous l�horizon, C�line Minard se laisse peu � peu griser, vin aidant. Et apr�s un dernier acc�s de timidit�, finit par monter sur la table pendant la s�ance photo, revenue une fois pour toute dans notre monde. Le seul � sa disposition dans l�instant.

Laurent Simon

Photo: Sebastien Dolidon

www.dolidon.fr

 
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