De Ravalec à Benderson, dix ans de Flore

Interviews
En 1994 naissait le prix le moins académique des récompenses littéraires : le prix de Flore. Dix ans plus tard, le premier et le dernier lauréat se retrouvent. Quand Vincent Ravalec et Bruce Benderson nous parlent littérature...

Qu'est-ce que représente le prix de Flore?

Vincent Ravalec : Il y a dix ans, c’était un véritable coup de jeune dans la littérature. C’était un prix très différent des autres. Dans dix ans, il y aura certainement un autre prix avec des gens plus jeunes aux commandes. Le prix de Flore, c’est d’abord un commencement. En 1994, il m’a permis de me faire une place dans le milieu littéraire alors que je ne m’intéressais pas aux prix littéraires.

Bruce Benderson : C'est marrant que vous me posiez cette question. Il paraît que le prix de Flore récompense de jeunes écrivains français. Le problème est que je ne suis ni jeune ni français. Evidemment le fait d’avoir eu le prix a de grands avantages. C’est d’abord l’approbation de plusieurs critiques et par conséquent l’intérêt du public sur votre travail. C’est donc pour moi une récompense importante.

Que représente t-il pour un étranger?

B.B : Pour moi il a une signification toute particulière. Je me souviens du moment où j’ai pris conscience de la culture française. J’avais quatorze ans et habitais une petite ville de province aux Etats-Unis. Mon professeur de piano m’avait donné une partition de Ravel à travailler. Je n’avais jamais entendu des harmonies aussi sensuelles. J’étais bouleversé. A partir de ce moment, je me suis penché sur l’art français du XIXème et du XXème siècle : Debussy, Fauré, Rimbaud, Baudelaire, Lautréamont, Artaud et finalement Huysmans, Aragon, Genet, Butor, Sarraute et bien d’autres. C’est tout le contraire de la culture anglo-saxonne. J'étais francophile et anglophobe. Maintenant je suis beaucoup plus pondéré. J’ai beaucoup d’admiration pour les soeurs Brontë, par exemple. Je vois le prix de Flore comme le couronnement de mon voyage vers la culture française. Mais je n’imaginais pas ce voyage aussi long et aussi beau.

Avez-vous lu les autres lauréats du prix de Flore ?

V.R :Certains oui, j’ai beaucoup aimé les Jolies choses de Virginie Despentes. Houellebecq, Dustan, Jaenada… En fait, je les ai pratiquement tous lu.

B.B : Je suis très attaché aux lauréats du prix de Flore. J’ai travaillé pour certains. J'ai traduit Despentes, que j’adore, au Etats-Unis. Ravalec aussi, je l’ai traduit avec beaucoup de plaisir. Et puis, il y a Houellebecq.

Avez-vous dégusté votre verre de Pouilly fumé quotidien au Flore ?

V.R : Le problème, c’est que je ne bois pas d’alcool. L’année du prix, ils avaient offert à quelques amis leurs verres, moi, j’ai toujours tourné au chocolat chaud.

B.B : Bien sur, mais c’est dommage car je ne suis à Paris que quelques jours par an. Du coup j'ai droit à quelques verres seulement !

Avez-vous une famille artistique ?

V.R : Pour moi, tous les artistes depuis la création font partie de la même famille. Je ne m'en connais pas d'autres. L’art est un autre regard sur le monde.

B.B : Aux Etats-Unis, je suis très lié à J.T Leroy, mon protégé en littérature. A l’ouest, il y a plusieurs écrivains dont je suis proche, Robert Gluck, Matthew Stadler, Kevin Killian, Dodie Bellamy, Denis Cooper. Mais l’écrivain avec qui j’ai le plus d’intimité, c’est Ursule Molinaro, une auteure française arrivé à New-York en 1949, aujourd’hui décédée et dont je suis le testamentaire littéraire. En France, je suis proche de mon traducteur, Thierry Marignac et de Benoît Duteurtre, un de mes meilleurs amis.

Quels sont vos projets littéraires ou artistiques ?

V.R : Il y a beaucoup de choses. J’ai avec moi une grande quantité de polaroïds que je dois absolument monter. Je travaille également sur l’art numérique qui devient de plus en plus important. Enfin, je publie des nouvelles et un roman courant 2005 : La Vie miraculeuse du clochard André.

B.B : En ce moment, je suis en train d’achever un livre sur le « Pacific Northwest » des Etats-Unis. C’est un livre satirique qui raconte les cultures un peu particulières que j’ai découvertes là bas. Le livre s’appellera Pacific Agony.

Avez-vous une anecdote sur Bruce Benderson ?

V.R : Il y a quelques années, j’allais à New York pour voir Bruce. Il se propose de m’emmener dans une des boîtes a priori mythiques de New York. Vêtu d’un chapeau assez particulier, je l’avoue, Bruce commence à me trimbaler dans les rues de la ville. La nuit passe, nous rentrons chez lui… Nous n’avons jamais retrouvé la dite boite !

Charles Patin_O_Coohoon


Ravalec vs. Benderson
Ed.
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Last modified onlundi, 08 juin 2009 20:20 Read 4802 times