Faut-il lire Jonathan Safran Foer ?

Chroniques

Carnivore, ichtyophage ou carnassier, pas question de renvoyer l'assiette…Parce que Faut-il manger des animaux est signé Jonathan Safran Foer, l’élève de Joyce Carol Oates (mais un élève ne fait pas nécessairement un maître) et que ce dernier est surtout le génial auteur de Tout est illuminé et Extrêmement fort et incroyablement près.

Quand ca touche la mise en bouche, c’est vrai qu' il y a toujours un peu de circonspection lorsque qu’un jeune auteur ultra doué se lance dans une entreprise autre que celle de la fiction. Il fit des étincelles avec son premier roman Tout est illuminé, il réhabilita ensuite l’adverbe dans la littérature avec Extrêmement fort et incroyablement près et la chose n’est jamais aisée. Et aujourd’hui il essaie.
A la lecture de la carte, on a connu plus saignant pour une entrée (en matière). Surtout lorsque le procédé relève du militantisme pro-végétarien. Car Jonathan Safran Foer ne mange pas les animaux et l’explique. L’idée lui est apparue lorsqu’il a su qu’il serait père. Alors pourquoi mange-t-on de la viande ? Est-ce normal d’expliquer à un enfant que les héros des histoires qu’on lui conte vont finir dans l’assiette ? Le Roi Lion terminerait sur la grille du barbecue et le Petit Ours Brun, rôti à la broche. Ce postulat de départ évolue vers un principe évoqué au début: « je savais ce que j’allais découvrir ». Et la découverte hume parfois l’horreur. L'énoncé du plat dépassé on peut s’intéresser au dressage. Maligne, la mise en page sert l'essai. Un carré du format d’une double page pour signifier l’espace des poules pondeuses dans des batteries d’élevage. L’équivalent de 430cm². Petit loft pour petite poule. Car oui, les animaux ont eux aussi le droit d’être élevé à la dignité.

Demande-moi ce que tu manges, je te dirai KFC

Selon JSF l’élevage, pour la consommation des animaux, est écologiquement discutable et sanitairement problématique. Imparable : moins de 1% des animaux tués pour leur viande en Amérique proviennent d’élevages traditionnels. En clair c’est demande-moi ce que tu manges, je te dirai KFC. Il note également que l’élevage industriel participe au réchauffement planétaire pour 40% de plus que l’ensemble des transports dans le monde et qu’il s’agit alors de la première cause du changement climatique. Manger de la viande chauffe le monde. En guise d'entremets, Safran Foer livre également un dictionnaire amoureux/haineux de l’alimentaire. Où comment on apprend ce qu’est la cruauté, le désespoir, une ferme industrielle, le KFC, le stress, la souffrance.

Moins un manifeste qu’un traité pour convaincre, pas tout à fait une enquête (« Même s’il n’est pas le genre de type à s’introduire subrepticement dans une ferme inconnue en pleine nuit »), pas tout à fait un essai, le livre est mis en scène dans une mise en page toujours singulière. Au final l’exercice de style est convaincant. Pour que le tour de table soit complet, Faut-il manger les animaux ? peut s’assaisonner d’un petit Hugo Desnoyer, un boucher tendre et saignant (ed Assouline). Comme quoi on peut engloutir un tartare et se gaver de Faut-il manger des animaux ? Daredare.

Faut-il manger les animaux ?

Jonathan Safran Foer

Edition de l'Olivier

22 euros

 

 

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Last modified ondimanche, 28 août 2011 19:21 Read 3210 times