#108 - Du 30 avril au 21 mai 2008

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Emmanuel Adely : � la langue des livres est morte �


Le Dessous des livres : Emmanuel Adely, auteur en qu�te d'�diteur

Romancier composite � �diteurs multiples (Joelle Losfeld, Minuit, Seuil, Stock) et essayiste un peu barr�, Emmanuel Adely jette sur le paysage litt�raire et la cr�ation artistique une vision bien tremp�e. Entre la volont� du march� et l�ambition de l�artiste, il y a un foss� que la r�alit� peine � combler. Interview.

La saison des prix se termine, quel regard jetez-vous sur cette � v�n�rable institution �, �corn�e tous les ans, pour une raison ou une autre ?

Les prix ? Ils ont une utilit� tr�s �ventuelle, j�en ai un peu la m�me vision que les �diteurs : ils ne sont qu�une expression du march�. Il n�y a tout de m�me pas que du mauvais : J�ai particip� l�ann�e derni�re au prix 15 minutes apr�s [Distinction d�cern�e un quart d�heure apr�s le Goncourt, il avait r�compens� Rh�sus de Helena Mariensk� (Editions POL). Il n�a pas �t� reconduit cette ann�e faute de financements, ndlr]. Nous �tions libres de toute pression puisque les �diteurs ne s�y int�ressaient pas. A part le Wepler, qui fonctionne sur le principe du jury tournant, mon opinion est donc assez n�gative. C�est une institution purement mondaine, qui revient chaque ann�e un peu comme le Beaujolais nouveau : une tradition tr�s franco-fran�aise ou plut�t compl�tement germanopratine. Quel int�r�t pour un lecteur qui n�a pas besoin d�eux pour lire ? Quant aux gens qui lisent peu, dommage qu�ils n�entendent parler des livres qu�au moment des prix litt�raires : ce ne sont vraiment pas les meilleurs qui sont prim�s ! Cette ann�e c�est d�ailleurs particuli�rement inint�ressant. Donc, dans le principe oui, mais dans les faits, c�est rat�. En r�alit�, je ne suis ni pour ni contre, cela ne me concerne pas.

On attend d�un essai un verbiage strict, des raisonnements, un d�but et une fin. Ce n�est pas le cas dans Edition limit�e, sorte d�Ovni moiti� cr�ation litt�raire, moiti� r�flexion sur l�Art. Pourquoi ce choix si drastique dans la forme?

La forme est inattendue, oui. La ponctuation est anarchique depuis longtemps chez moi. J��cris toujours comme cela au d�part, comme pour mon roman Mad about the boy (Ed. Joelle Losfeld). Cela permet aux gens de mettre leur propre ponctuation dans le texte et le transforme en une esp�ce de � work in progress � permanent. Cela me facilite le travail quand je lis et que je donne � entendre ces textes : cette forme d��criture est beaucoup plus proche de la pens�e et de l�oralit�, plus chaotique.

Le livre est-il un produit comme un autre ? Sans une volont� de fer de la part des auteurs et des �diteurs, il risque de ne se r�sumer qu�� sa finalit�, comme n�importe quel obljet manufactur�

L�id�e d�Edition limit�e vient d�un partenariat avec une �cole de design, pour �tablir un parall�le entre le processus de cr�ation litt�raire et celui d�un objet. Int�ressant : les designers proc�dent de travaux compl�tement libres qui se fondent ensuite dans le moule qu�on leur impose en fonction de contraintes �conomiques ou industrielles. Du coup leur id�e devient tr�s cibl�e. J�osais penser qu�en tant qu��crivain, ces contraintes n�existaient pas et que la cr�ation �tait libre. Et puis � force d�y r�fl�chir je me suis rendu compte que litt�rature aussi provenait d�un fa�onnage inconscient : un �crivain va souvent composer consciemment ou inconsciemment pour toucher tel ou tel �diteur. Il en r�sulte une sorte de formatage, surtout pr�sent dans la forme romanesque. La po�sie est par essence plus libre.

En m�me temps le fait que vous, �crivain intransigeant, soyez �dit�, tend � prouver que ces �diteurs ne sont pas si mauvais que vous le pr�tendez !

C�est vrai, mais le fait d��tre �dit� m�a moi-m�me surpris, m�me si mes relations avec mes �diteurs n�ont jamais �t� simples. J�en suis � mon quatri�me, et j�ai quitt� tous les pr�c�dents pour des raisons diff�rentes. L�un, Minuit, voulait retoucher mon roman, l�autre a tout simplement refus� mon manuscrit, quant au troisi�me, il ne voulait pas �diter un si gros bouquin. Mais je n�ai pas envie de les essayer tous, il est de plus en plus difficile d�expliquer pourquoi on a �t� vir� du pr�c�dent ! Mais cela reste moins dur que de se faire �diter pour un premier roman.

Faut-il �tre n�cessairement pessimiste ? La litt�rature survivra aux �diteurs !

L��dition fran�aise souffre de deux maux : les syndrome de l�entonnoir que je d�cris tout au long d�Edition limit�e et celui de "la r�daction". Les �crivains ont tendance � faire des devoirs proprets de terminale ou de premi�re avec introduction / th�se / antith�se / synth�se / conclusion et un imparfait du subjonctif de temps en temps, histoire de prouver qu�on est bon �l�ve. C�est une des raisons de la mort de la langue litt�raire : actuellement un livre ne d�crit pas le monde tel qu�il est, parce qu�il ne le peut plus : c�est comme du latin. La langue des livres n�existe pas dans le monde r�el : par manque d�audace des �crivains et des �diteurs. Et paradoxalement, les �crivains qui contribuent � inventer cette langue n�ont absolument aucun �cho : je n�ai vu que deux entrefilets sur la mort d�Edouard Lev�, � l��uvre si exigeante que malheureusement personne n�en parle. Il sera peut-�tre reconnu apr�s sa mort, mais il va falloir sortir un jour ou l�autre de la vision tr�s XIXe de l�artiste maudit. Place � autre chose !

Edition Limit�e,Inventaire/Invention, 5 euros
Et aussi J'ach�te,Inventaire/Invention, 7 euros

Propos recueillis par Laurent Simon


Retrouvez l'actualit� relue par Emmanuel Adely

 
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