#112 - Du 14 octobre au 05 novembre 2008

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Dorian Gray by Self

 Dorian
Will Self
Picador Publishing - WHSmith



L�ann�e commence mal. Vous �tes face � un vrai probl�me : vos amis branch�s vous bassinent avec le nouvel opus de l�enfant terrible des lettres Britanniques, qui provoque depuis quelques semaines une belle pol�mique outre-Manche. Naturellement, ils l�ont tous d�j� lu, en anglais dans le texte, of course. Vous ne demanderiez pas mieux que de le d�vorer � votre tour afin d�enrayer la chute vertigineuse de votre cote d�amour, mais vous faites un blocage sur la langue de Shakespeare depuis un cuisant 7/20 � l�oral du bac. R�sultat : Vous passez pour une truffe monolingue, et envisagez s�rieusement de vous enfermer chez vous, en pr�textant un long s�jour pour raisons familiales � Saint Pierre et Miquelon, jusqu�� ce que le roman soit enfin disponible en fran�ais un jour ou l'autre. Rassurez-vous : nous vous sauvons d�un aussi noir destin en chroniquant d�ores et d�j� la cause de tant de nuits blanches.

Dorian, donc. Comme dans le Portrait de Dorian Gray d'Oscar Wilde, et ce n�est pas un hasard puisque le roman de Will Self n�est rien moins que le remake - ou plut�t le rewrite - du chef d��uvre d�Oscar. On se dit que le d�sormais quinquag�naire Will, connu pour son ego passablement d�mesur�, a d�finitivement p�t� les plombs, mais � bien y r�fl�chir, qui mieux que celui qui pur ce faire ? On l'a m�me surpris sniffant de la coca�ne dans les toilettes de l�avion officiel o� il suivait la campagne de John Major pour le Times afin de mener � bien ce projet m�galo, inutile et foutrement excitant. Will Self a eu l�intelligence et le flair de ne pas �crire une suite, funeste id�e qui n�a gu�re r�ussi � tous ceux qui l�ont eue par le pass�. On pense ainsi � un certain romancier Fran�ais, par ailleurs tr�s talentueux, qui s�est r�cemment pris pour Victor Hugo, et accessoirement les pieds dans le tapis.

Rien de tel pour Will-le-roublard. Il �vite l��cueil en optant pour une variation autour du mythe de l��ph�be londonien � la beaut� aussi lisse que son �me est sombre. Le d�but du roman est habile quoique un peu convenu. Son Dorian Gray est le sublime rejeton d�une richissime famille d�aristocrates. Na�f et fragile, il devient l�amant d�un homme plus �g�, esth�te pervers qui corrompra son �me apr�s avoir abus� de son corps. Son physique ravageur lui vaut de devenir le h�ros d�une installation vid�o porno soft intitul�e "Narcisse cathodique". Voil� pour les concessions au r�cit fondateur et ses figures impos�es. Rien de bouleversant ou de prodigieusement original, mais on peut tout de m�me admirer l�habilet� avec laquelle Self se tire de la d�licate transposition du fameux portrait, avec un clin d��il au passage � la folie des installations d�art contemporain qui s�vit depuis quelques ann�es sur les bords de la Tamise.

Une fois d�barrass� de ces d�tails encombrants, Self se lib�re et son ton, jusqu'alors styl� et astucieux, devient progressivement pervers et infiniment d�rangeant, � l�unisson de la plong�e vers les enfers de son Dorian. Du Londres post-punk de la fin des ann�es 70 jusqu�� l�Angleterre New Labour de Tony Blair, en passant par le New York du Studio 54, un Dorian �ternellement jeune ne recule devant rien pour transmettre le SIDA � tous ceux qui ont le malheur de croiser son chemin. Mensonges, viols, partouzes ; manipulations, meurtres, le p�riple vertigineux de cet ange de la mort est l�occasion pour Self de d�montrer � quel point son talent est f�cond et original. Dans une langue �blouissante d�inventivit� (bon courage au traducteur pour restituer ce v�ritable feu d�artifice de m�taphores fulgurantes), il plonge aux racines du mal. Certains passages sont quasiment insoutenables de cruaut�, et la violence du regard port� sur son personnage est telle qu�il se sent oblig�, sans doute un peu impressionn� par l�insondable noirceur de son h�ros, de nous gratifier d�un rebondissement final vaguement optimiste tout � fait inutile. Faux-pas mineur. � ce stade-l�, le lecteur est de toute fa�on d�j� groggy, sous le choc.

Dorian a �t� per�u par certains lors de sa sortie Britannique comme une apologie du barebacking (faire l'amour sans pr�servatif). Plut�t surprenant, car Will Self se pose d�embl�e comme un t�moin � charge du comportement monstrueux de Dorian, et ne se laisse jamais aller � la moindre complaisance. Sa fa�on de d�crire l�agonie d�un sid�en fait plus pour la promotion du sexe sans risques que pas mal de campagnes de pr�vention institutionnelles. Les souffrances innommables endur�es par toute une g�n�ration d�homosexuels fauch�e par le virus hiv sont au c�ur du r�cit. Au fond, Will Self est un moraliste. Ici comme dans tous ses pr�c�dents romans et nouvelles, il applique sa grille de lecture, jans�niste, aux perversions de ses contemporains, � ceci pr�s qu�il n��prouve plus le besoin de prendre � rebours la morale bourgeoise dominante. Et ce n�est pas le moindre int�r�t de ce roman que de confirmer l�entr�e dans l��ge adulte de son auteur, ce que l�on pressentait d�j� dans Comment vivent les morts o� il diss�quait avec cruaut� et compassion le sort fait aux seniors dans une soci�t� obs�d�e par la jeunesse et terrifi�e par la mort.

Le Will Self premi�re �poque, turbulent, provocateur un peu outr� et infiniment dou�, c�de la place � un �crivain plus m�r, qui r�siste � la facilit� de choquer pour s�duire. Rassurez-vous, il n�est pas pour autant devenu un p�re la pudeur. Dorian parle de drogue, de sexe et de mort. Dorian est un br�lot, au meilleur sens du terme. Dorian fera sans doute couler beaucoup d�encre lors de sa parution en fran�ais, et c�est tant mieux. Le pire pour un roman de cette qualit� et de cette ambition serait de passer inaper�u.


J�r�me Farssac



 
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