La tentation de l'apr�s Emily Tanimura Gallimard

Premier roman d�une jeune femme aux origines japonaises et su�doises, La Tentation de l�apr�s est semblable � un premier bijou qu�arborerait la jeune fille aux portes de l�adolescence, brillant, d�cal� et touchant, op�rant la liaison entre une image pass�e et une image � venir.

Apr�s, il y aura sans doute la vie, la vraie. Apr�s, il y aura l��ge qu�on dit m�r, pour ne pas penser � la nostalgie. Apr�s, il y aura le pire. Ou peut-�tre pas. Apr�s elle oubliera. Elle a d�j� oubli� , � la derni�re page.
Emily Tanimura nous conte avec une belle justesse ce passage si d�licat � l��ge adulte pour une jeune fille de quatorze ans qui doit faire face � la diff�rence. Seule avec sa meilleure amie Lisa, la narratrice affronte les difficult�s de cette p�riode perturbante qu�est la fin de l�enfance, l��loignement de l�innocence qui laisse place � un vide affolant.
La jeune fille doit accepter le regard des autres, assassin et incompr�hensible, apr�s une rentr�e rat�e. Des �v�nements qui sembleraient communs mais qui sont per�us avec la gravit� de cet �ge. On est happ� par la solitude qui plane sur l�ombre de ces deux jeunes filles qui croient se suffire � elles-m�mes lorsque le seul lien qui les unit est le rejet de la part des autres. Mis � part quelques tentatives de confidences avec Lisa, la narratrice est isol�e dans une sph�re �tonnement close et immobile. La famille est r�duite � son r�le primaire d�entit� ne comprenant rien. A la nuit tomb�e, elle arpente les rues de la ville ennuyeuse. La couleur du ciel sied parfaitement aux robes de soir�es qu�elle rev�t, robes collectionn�es secr�tement et avec lesquelles elle avance des heures sur les trottoirs d�serts jusqu�� ce que son heure vienne.

Si elle s�appelait m�lancolie

Son heure, celle de l�apr�s, correspond pour elle � une vague id�e du changement lorsque tout est immobile autour de soi. Elle saisit au passage un brin de f�minit� en embarquant aux c�t�s d�un homme �g� qui ne sera finalement qu�un pr�texte pour repousser un peu plus loin ses traces d�enfance. Avec cet homme myst�rieux � l�accent �tranger, elle apprend des airs de femme et des sentiments qu�elle oubliera tr�s vite selon la dure loi de l�adolescence, une gravit� soudaine aussit�t remplac�e par une nouvelle �motion.
Nul doute qu�ici la lolita est compl�tement � c�t� de la plaque, loin des paillettes de ces robes qu�elle s��vertue � porter comme un d�guisement malsain. La narratrice, dont on n�apprend pas le pr�nom, habite un corps qui la devance et une �me qu�elle a bien du mal � apprivoiser. Elle veut aller de l�avant sans savoir ce qu�il y a � chercher. Parvenir � l��tat qui transformera ce pr�sent en m�lancolie ou en nostalgie. N�est-ce pas l� le propre de l��crivain ? Jeter des brins de nostalgie dans les gestes quotidiens, une certaine m�lancolie dans la narration...

Cette jeune romanci�re de 27 ans nous livre ici un joli premier roman qui �pouse les formes de l�adolescence avec une intelligence dans la narration qui remplit les pages d��motion. Son livre a saisi sa propre bulle d�espace-temps. C�est une vague lente et langoureuse, une longue balade que le pr�sent et le vocabulaire qui sont utilis�s font se d�rouler devant nos yeux. Il y a dans ce premier roman l�ombre de la jeune Sagan, celle de l�ennui qui flotte dans un immobilisme adolescent,l�enfant qui aper�oit, au loin,le mot terrifiant et enivrant d� apr�s..

Olivia Michel